Alors voilà. Vous avez cru y échapper ? Eh bien pas de bol Jean-Paul, voici un compte rendu de mes pérégrinations musicales et parisiano-brugeoises d'il y a deux semaines et demie.
Vendredi 14 : Mariee Sioux, Sunset Jazz Club, ParisPour quelqu'un qui a Kind of Blue comme album fétiche, ce n'est pas très malin, mais il s'agissait bel et bien de mon premier concert dans un club de jazz. Et même pas pour écouter du jazz, en plus. C'est nul.
Petite frayeur en arrivant dans la salle au sous-sol, voûtée, tout en longueur et revêtue de catelles blanches : il ne manque que les affiches pour se croire dans un couloir de métro. Fort heureusement, l'acoustique est sans comparaison, de même que la qualité de la musique qu'on peut y entendre.
Pour diversifier son public, le Sunset organise des concerts non-jazz à 20h, axés sur le thème de la chanson (au sens large). C'est dans ce cadre que se produisait Mariee Sioux.
Étant arrivé le premier, j'avais le redoutable honneur d'être conduit par l'hôtesse au milieu du premier rang. Soit à environ un mètre de la chanteuse, à peu près à la même hauteur. Un poil intimidant.
Ce sera cependant elle qui se révèlera la plus intimidée (à cause de moi sans aucun doute possible
), affichant entre les morceaux ce côté pathétiquement attachant des grands timides qui se forcent à parler par politesse.
Son set, qui démarra par une inversion de chansons due à un oubli de capo et qui fut écourté un brin en raison de soucis dus à un oubli d'accordeur, fut bien sûr essentiellement constitué de chansons de son album, mais comprenait également plusieurs nouvelles. Dont une écrite à Paris à la suite d'un rêve récurrent qui la voyait parcourir des pièces dont l'une était remplie de peaux de serpents, et les serpents la terrifient, mais là, ce n'était que des peaux de serpents, donc ça doit vouloir dire quelque chose.
Je craignais un peu à l'écoute de l'album que le concert ne se révèle un peu lourdingue à la longue, façon Marissa Nadler. Mais la copine d'Alela avait visiblement oublié la réverb' à la maison et elle n'étira pas trop ses chansons, de sorte que cette heure un quart fut agréable et passa très vite.
Samedi 15, Sigur Rós (+ For A Minor Reflection), Zénith, ParisSvefn-g-englar
Ný batterí
Fljótavík
Við spillum endalaust
Hoppípolla
Með blóðnasir
Inní mér syngur vitleysingur
E-bow
Sæglópur
Festival
Hafsól
Gobbledigook
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All Allright
Popplagið
Question placement, c'était l'exact opposé du concert de la veille. N'ayant pu dénicher qu'une place assise, je découvris Sigur Rós comme je ne les avais jamais vus : de loin. Ne me demandez donc pas de détails sur la prestation scénique du style « Jónsi défiait-il le public sur Popplagið ? ». J'ai vu qu'il était là, c'était déjà pas mal.
J'avais été rassuré par l'écoute de Benni Hemm Hemm. Non, tous les musiciens islandais n'ont pas du talent. Retour sur terre avec For A Minor Reflection, qui proposa un très bon post rock pour le moins énergique. Font chier, ces Islandais.
Le plat principal fut servi, comme c'est le cas depuis quelques concerts, sans ses accompagnements Amiina et les Dirty Brasstards. Juste Jónsi, Goggi, Kjarri et Orri. Si le son perd en richesse de textures, il gagne par contre en compacité. C'est mieux avec les filles, mais c'est excellent quand même sans elles.
Fort logiquement, ce furent les morceaux les plus denses qui se révélèrent énormes : Ný batterí, Hafsól, Popplagið ou encore le grand retour de cette tournée, un E-bow extraordinaire. Quand ils nous exhument ce genre de perles, on regrette sérieusement qu'ils ne varient pas plus leurs setlists.
Excellent concert donc, à l'exception du très dispensable enchaînement Hoppípolla-Með blóðnasir-Inní mér machin. Et si les nouvelles chansons sont bonnes, il n'y a encore que Festival qui tiennent vraiment la comparaison avec les anciennes.
Le son était pas mal, quoique ayant une méchante tendance au larsen par moments. Public assez respectueux, mais applaudissant un peu vite. À laisser traîner l'oreille après le concert, il y avait pas mal de monde qui les voyait pour la première fois sur scène, voire qui les découvrait. Et apparemment, ils n'ont pas été déçus, ce qui est quand même bien la moindre.
Dimanche 16, Mugison (+ Anathallo, Ignatz), Cactus@MaZ, BrugesAnathalloAlors que je sirotais tranquillement une bière blanche au bar, un inconnu m'accosta, non pour m'offrir des fleurs (je n'utilise pas Impulse), mais pour me prévenir fort sympathiquement que le premier amuse-gueule de la soirée allait entrer en scène. Fort heureusement, on pouvait embarquer son verre / sa bouteille (en verre) dans la salle, ce qui était bien pratique en l'occurrence, mais qui laisse à penser qu'Oasis n'est pas prévu pour bientôt.
La Magdalenazaal (c'est ce que signifie MaZ, si vous vous demandiez) est apparemment une assez grande salle, avec des gradins et tout et tout. Mais là, on se contentait d'un recoin accessible par un parcours fléché, ce qui était bien suffisant pour la cinquantaine de personnes présentes. Recoin d'ailleurs aménagé avec des tables pour y poser la boisson susmentionnée et pouvoir ainsi applaudir des deux mains. Ils pensent à tout, ces Belges.
Anathallo, donc, est un groupe de nerds de Chicago, avec le sosie de Bill Gates au chant. Malgré la recherche de leur tenue vestimentaire (première fois que je vois un jeans déchiré au genou depuis une bonne quinzaine d'années), c'est bien leur musique qui parait la plus bordélique dans l'histoire. Au programme, un mélange de blue-eyed soul à la Hall & Oates, d'atmosphérico-chiant et de passages rock où l'obsession de faire le plus de bruit possible prime largement celle de jouer juste. Et quand je dis mélange, je veux plutôt dire patchwork, avec des passages de l'un à l'autre sans logique apparente.
À la fin du concert, je retourne au bar. Bien besoin d'un café.
IgnatzIgnatz, c'est un nom charmant. Et le Bruxellois qui le porte est assez fort aussi pour se donner un genre. Avec pour seul compagnie une Strat' sursaturée et un impressionnant parterre de pédaliers, il joue tout simplement assis par terre, dos au public, et n'émettra pas un son en dehors de ses morceaux de tout le concert. Il n'est pas aphone pour autant, ce qui est un peu regrettable, tant n'est pas Skip James qui veut.
Tout n'est pourtant de loin pas à jeter. En ces temps où le blues est devenue une agréable musique châtrée pour bobos, en voilà un qui en joue avec ses tripes. Du brut de décoffrage et de l'expérimental, qui lorgne volontiers de temps en temps sur le psyché. Avec des vrais morceaux d'âme dedans. Autant avoir quelque chose à vendre à Celui dont on prétend jouer la musique.
Un nom à suivre, donc. Cela dit, le tout manque encore un peu de variété, et la fin du set annonce un nouveau passage par le bar. Comment dit-on « bien tassé », en néerlandais ?
MugisonMugiboogie
I Want You
I'm Alright
Go Blind
The Great Unrest
Jesus Is A Good Name to Moan
Poke A Pal
The Pathetic Anthem
Deep Breathing
To The Bone
Two-Thumb Sucking Son of A Boyo
Murr Murr
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My Love I Love
Sweetest Melody
Et voici enfin le clou de la soirée. Örn Elias Guðmundsson n'est pas le frère de Björk, mais le fils d'un chanteur de karaoké professionnel en Malaisie (!) surnommé Muggi. Il est donc Mugison.
Là encore, le groupe était en effectif réduit. Ça doit être la mode en Islande (raisons budgétaires ?). Juste un batteur et un bassiste. Mais ceux-ci étant au moins aussi déjantés que le patron, le spectacle promettait quand même. Et ce fut tout à fait efficace. Pour atteindre la perfection, il ne manquait que les solos de Pétur Ben. Surtout pour Jesus Is A Good Name To Moan, sur laquelle le groupe se plaira à faire glapir la partie féminine de l'auditoire. (Ceux qui ont vu le clip comprendront.)
Cerise sur le gâteau, l'assistance étant plus intime qu'au Kilbi, et les guitares se révélant de surcroît particulièrement peu pressées en matière d'accordage, Mugison eut tout loisir de raconter tout et n'importe quoi (et surtout n'importe quoi) entre les morceaux, entre deux gorgées de Jupiler. Il expliqua par exemple qu'I'm Alright traite du suicide et la dédia en conséquence au système financier islandais. Avant de s'excuser auprès de ceux qui ont déjà acheté ses albums, car ils n'ont plus aucune valeur à présent.
Ledit I'm Alright fut interprété dans une version calme qui serait quasiment impossible à reconnaître s'il ne l'avait préalablement postée sur son Myspace. La setlist alterna d'ailleurs savamment entre les deux faces du personnages, morceaux posés tendant vers le folk et blues-rock crado.
Le concert se termina par un rappel avec Mugison seul en scène et ses
alcooliques acolytes dans le public, lançant les chœurs sur l'inévitable Sweetest Melody, ce qui s'avéra pour le moins efficace, une fois encore.
Un bon point final à ce week-end un peu fou. Je pouvais ainsi aller le cœur tranquille reprendre des forces pour piller les chocolatiers le lendemain sur le chemin du retour.