Salut les Vaudois-e-s, et aussi les autres.
J'essaie de ne pas trop mélanger les genres (en clair, zik et politique), mais comme là, il y a un lien assez évident avec une votation politique qui aura des répercussions sur la musique (enfin sur les subventions allouées aux salles), notamment, mais pas que... car c'est la culture, l'éducation, la santé, le social, bref l'entier des services publiques qui sera frappé du sceau de l'austérité si cette réforme passe.
En clair, ce dimanche on vote sur la RIE 3. Un truc pour le moins dangereux (en clair des cadeaux aux plus riches au détriment du bien commun) et sur lequel l'entier du spectre politique (de l'UDC au PS - Verts... rien que ça c'est déjà suspect), à l'exception notable de l'extrême gauche, s'accorde. Ci-dessous, vous trouverez un long mail que j'ai envoyé à mes ami-e-s (désolé pour les membres du forum qui l'auront déjà reçu). Bonne lecture et désolé pour celles et ceux que cela agacerait.
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Salut les copines, salut les copains,
J’espère que vous allez toutes et tous bien !
Je ne sais pas si vous avez vu, mais dimanche prochain le 20 mars, on vote dans le canton de Vaud sur la RIE 3, une votation aux enjeux colossaux. La RIE 3 (3ème réforme sur l’imposition des entreprises), mais c’est quoi ce truc ? Je m’y suis intéressé et je me disais que cela pouvait aussi intéresser et concerner certaines et certains d’entre vous, pour ne pas dire chacune et chacun.
En bref, la RIE 3, c’est un accord, un deal. On baisse les impôts sur le bénéfice des entreprises en échange de contreparties à connotation sociale. Tout d’abord, il s’agit de savoir quelles entreprises sont concernées par cette baisse. Les petits indépendants et autres PME n’ont rien à y ganger. Ceux-ci, quand ils arrivent à se payer un salaire, n’ont que rarement du bénéfice imposable[1]. Le petit paysan, la boucherie Sanzot et la scierie du village ne paieront donc pas moins d’impôt grâce à cette réforme. Par contre, la gérance Bernard Nicod, la multinationale Nestlé, ou Kudelski, pour ne citer qu’elles, c’est tout bénéf’ ! Les très grandes entreprises, et le cas échéant, leurs actionnaires, seront les grandes gagnantes de cette baisse[2].
Bien sûr, certaines des multinationales qui bénéficient de généreux forfaits fiscaux paieront légèrement plus d’impôt, mais pas au point de compenser les pertes découlant de la baisse octroyée aux grosses entreprises indigènes. En effet, il fallait trouver un taux suffisamment bas pour éviter de les « faire fuir ». Or, ce nouveau taux, ni un taux supérieur, ne les fera massivement partir du canton. D’autres pays, d’autres cantons offrent déjà des conditions autrement plus favorables que le canton de Vaud, pourtant ces multinationales ont bien élu domicile au bord du Léman. Les conditions-cadres offertes par le canton comptent beaucoup plus que le taux d’imposition seul. Il convient donc de ne pas céder face à ce « chantage au départ », mais c’est bien ce qu’ont fait nos autorités.
Est-ce que cette baisse fera quand même du bien au tissu économique vaudois ? On le verra plus bas, mais d’abord concrètement, une telle baisse, cela implique quoi ? Cela implique des rentrées fiscales insuffisantes pour l’Etat et par conséquent des coupes budgétaires et des licenciements : éducation, petite enfance, crèche, santé (hôpitaux, EMS, soins à domicile), social, culture, transports, logement, subsides assurance-maladie… Il faudra bien économiser et aucun domaine ne sera épargné. Et on ne parle pas de petites sommes…
Plus de 520 millions pour le canton de Vaud, il faudra les trouver ! Et encore, lorsqu’on parle de 520 millions, c’est une estimation, celle des opposants. Sans surprise, celle des autorités est plus basse : 392 mio. Qui aura raison ? Difficile à dire, mais l’histoire peut nous éclairer. Avant la RIE 3, on a voté - au niveau fédéral cette fois - sur la RIE 2. Là aussi, les partisans de cette réforme annonçaient des pertes de 80 mio. pour la Confédération et 850 mio. pour les cantons. Au final, trois ans plus tard, le Conseil fédéral, annonçait qu’il évaluait les pertes à 7 milliards[3]. Et après ça, on veut nous refaire le coup de la « petite réforme indolore » ?
Ou peut-être pas ? Notre cher Conseiller d’Etat Broulis nous l’a dit ouvertement « avec la RIE 3, la population souffrira»[4]. En clair, comme il faudra bien financer un socle minimal de prestations sociales mais avec des rentrées fiscales inférieures, on doit s’attendre à une hausse des impôts pour les personnes physiques. Une hausse pour les classes moyennes, car les autorités ne manqueront pas non plus de céder au « chantage au départ » des plus hauts revenus. Au final, les classes moyennes financeront ce que les riches entreprises ne financeront plus.
En outre, il y aura ces contreparties à connotation sociale qui ont été promises. Bien sûr, rapportées au cadeau octroyé aux riches entreprises, ces contreparties prennent plutôt l’air de miettes jetées aux plus démunis pour acheter leurs voix. Dans l’absolu, aucun opposant à la RIE 3 ne conteste le bien-fondé de ces contreparties. Toutefois, au final, avec moins de rentrées fiscales, l’Etat promet d’octroyer davantage de prestations. Je ne sais pas comment les partisans de cette réforme font : soit c’est de la magie noire, soit on nage en pleine « utopie » néo-libérale.
A ce sujet, questionnons enfin le fameux argument « cette réforme est bonne pour la prospérité vaudoise». Fameux cet argument, mais surtout fumeux… Les promesses rendent les fous heureux, c’est bien connu. Dommage que cet argument ne repose que sur le credo néo-libéral et non sur des faits objectivables[5]. Pour faire simple, la boucherie Sanzot, le petit paysan ou la scierie du village ont besoin d’une demande pour pouvoir prospérer, voire tout simplement pour exister. Une baisse fiscale sur des bénéfices qu’ils ne font que rarement n’aura aucun impact direct pour ces entreprises. Par contre, avec l’austérité programmée, leur demande ne manquera pas de s’éroder et les difficultés commenceront ou s’accentueront. Donc, pour la prospérité vaudoise, on repassera. Et quant au fait que les riches patrons et autres joyeux actionnaires investiront leurs bénéfices dans l’économie locale, libre à vous d’y croire. C’est plutôt vers les Bermudes ou autres paradis fiscaux que je vous conseille de chercher. Pour ma part, cela fait trop longtemps que j’ai cessé de croire au mythe de la « mondialisation heureuse ».
En clair, si vous avez l’impression que cet accord est un marché de dupes dans lequel les plus nantis l’emportent clairement sur le bien commun, c’est que c’est effectivement le cas. Et, face à cette arnaque pure et simple, je ne saurais que trop vous recommander - de voter un gros « NON à la RIE 3 ».
Je sais que mon message arrive tard, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. N’hésitez pas à le diffuser à votre entourage ! Et désolé pour celles et ceux que j’ai importuné par cet e-mail « politique », mais les enjeux sont tels que je ne pouvais rester indifférent.
Avec mes meilleures salutations et à bientôt j’espère,
Daniel
[1] Selon UBS Outlook Suisse, juillet 2015
[2] On ne s’étonnera donc guère de les voir fanfaronner de cet accord. Par exemple, Patrons, le journal du centre patronal vaudois titrait dans sa dernière édition « Vaudois, un jour nouveau se lève » à propos de cette réforme. Ca donne la couleur.
[3] Le Courrier, 4 mars 2016. Notons au passage que, saisi par le PS, le Tribunal fédéral a estimé que l’argumentation du Conseil fédéral comportait un « aspect trompeur indiscutable », allant même jusqu’à évoquer une « fausse information ».
[4] 24 heures, 7 octobre 2015
[5] Pour celles et ceux qui veulent creuser un peu ce sujet qu’on veut volontairement complexifier pour mieux nous faire avaler des couleuvres, n’hésitez pas à lire les ouvrages de Michel Husson, qui, certes, en se basant souvent sur le cas français n’en montre pas moins le mécanisme.